Un nouveau président pour la Ligue

Un nouveau Président pour la Ligue de l’enseignement d’Eure-et-Loir

Mohamed ZAHOUI succède à François MILLIEN

Depuis l’Assemblée générale du 10 octobre, la présidence de la Ligue de l’enseignement d’Eure-et-Loir a changé. Mohamed Zahoui succède à François Millien, en poste depuis 20 14. Ce dernier reste membre du bureau en tant que Vice-Président et toujours Président de l’UFOL, Union régionale de la Fédération des Œuvres Laïques.
Nous avons voulu en savoir plus sur ce nouveau Président, âgé de 30 ans, enseignant en école primaire sur le bassin drouais, formateur BAFA à la Ligue, comédien amateur à l’Amicale laïque de Lèves dont il est également administrateur.

Depuis quand êtes-vous membre de la Ligue 28 ? Comment vous êtes-vous investi dans cette fédération ? Par vos études ?

J’y suis entré en 2015 par le biais du BAFA. J’étais formateur sur les sessions organisées par la Ligue et Nathalie Arnoux, alors déléguée générale, m’a demandé si cela ne m’intéresserait pas de rejoindre le CA. J’ai accepté sans trop connaître le mouvement Ligue de l’enseignement dont je n’avais pas vraiment entendu parler pendant ma formation d’enseignant, mais quelque chose a vraiment contribué à mon envie de faire partie de cette aventure.

Quel a été ce déclencheur ?

En 2016, la Ligue de l’enseignement fêtait ses 150 ans. J’ai accompagné Nathalie Arnoux et François Millien au congrès de Strasbourg. Et là, waow !!! J’ai assisté à de nombreuses interventions dont celles de Philippe Meirieu1, Najat Vallaud-Belkacem2, d’Eric Favey3 et de Jean-Paul Delahaye4. Ces prises de paroles correspondaient à ma vision de la vie, de l’école. Je n’avais pas trouvé ma place dans un parti politique, aucun ne me correspondait pleinement. Mais là, les mots étaient posés sur ce que je vivais. Cela touchait et réunissait plusieurs personnes en moi, l’enseignant, le formateur,  celui qui fait du théâtre. Je me suis senti à ma place en tant qu’enseignant, en tant que citoyen dans une maison ouverte. Et mon engagement a été la suite logique de mon parcours personnel.

Mohamed Zahoui, Président de la Ligue d’Eure-et-Loir

Quel a été ce parcours ? Celui d’un combattant ?

Je préfère le terme de militant. Je suis un militant engagé qui a toujours aimé débattre des sujets de société, aider les autres, les accompagner. Ça a commencé comme élève quand j’étais délégué. Puis j’ai passé mon BAFA, mon BAFD, suivi des études pour être enseignant. C’était une manière pour moi de rendre ce que l’école m’avait donné.

C’est-à-dire ?

Ma mère et mon père ont toujours dit à leurs 5 enfants, « l’école c’est votre avenir », que nos profs étaient aussi importants que nos parents. Ils nous ont donné le sens du travail.

Et puis, pas en primaire mais au collège et encore plus au lycée, je me suis rendu compte de l’injustice sociale. Je ne vivais pas dans un quartier difficile mais je n’avais pas accès aux mêmes choses, notamment en matière de culture, de loisirs, d’opportunités. J’habitais d’ailleurs dans l’immeuble où étaient situés les bureaux la Ligue 28 pendant longtemps. Je voyais tous les jours les grands panneaux avec « Vacances pour tous », « Vivre ensemble » « Classes découvertes ». Je trouvais ça chouette mais il a fallu encore quelques années avant que je comprenne ce que ça signifiait.

Il fallait donc que je travaille, je n’avais pas vraiment le temps de profiter de la vie au contraire de certains copains. Si je voulais m’en sortir, c’était par l’école. Aujourd’hui encore, je pense que l’école est une des seules chances de s’en sortir dans notre pays où la culture du diplôme est prépondérante, même si elle ne tient pas toujours ses promesses d’école égalitaire, d’ascenseur social. Mais tout n’est pas de sa responsabilité. Elle ne peut à elle seule résoudre tous les maux de la société.

C’est donc pour ces valeurs que vous rejoignez la longue lignée des enseignants membres de la Ligue ?

Oui je me reconnais complètement dans les valeurs de l’éducation populaire défendues par la Ligue. Je pense que la culture doit être plus présente en général dans le quotidien de chacun mais plus particulièrement dans les quartiers, les zones rurales. Je me bats en tant qu’enseignant et en tant que citoyen. Je pense qu’un enfant doit être accompagné tout au long de son parcours vers sa citoyenneté future, pour s’émanciper, vivre pleinement sa vie d’adulte, s’ouvrir au monde. Je crois qu’il faut accompagner les enfants, les ados, les adultes via la culture, la formation…si ça a eu un impact sur moi, ça en aura sur d’autres. Nous sommes tous co-éducateurs. Et militer au sein de la Ligue pour que chaque enfant ait accès aux mêmes outils, pour que la culture soit accessible partout, à tous, accompagner mes élèves vers ça, c’est primordial pour moi.

Ce n’est pas renier ses origines que d’aller voir ailleurs. Mes parents nous disaient « Allez-y, faites votre place mais n’oubliez pas d’où vous venez ». Pour ma part, je me considère comme Français d’origine marocaine et même si mes racines sont ailleurs, c’est ici que je fleuris.

Quand la question de prendre la présidence est-elle apparue ?

Au bout d’un an au CA, j’ai eu envie d’être plus actif et suis devenu membre du Bureau. Par ce biais, j’ai eu une vision plus globale au fil du temps de tout ce qui constituait la Ligue, des missions menées par les salarié-e-s aux orientations politiques décidées par les administrateurs-trices. Il y a deux ans environ, François a manifesté un début d’envie de passer la main. En ce qui me concernait, je ne me sentais pas capable à ce moment-là de passer à ce niveau. Pour m’acculturer davantage j’ai pris une vice-présidence en lien avec le secteur formation de la Ligue qui se développe de plus en plus sur le champ de l’animation. Et j’ai suivi une masterclass « Gouvernance et engagement » sous l’égide du centre confédéral en partenariat avec l’Institut de l’Engagement, avec de nombreux bénévoles d’autres associations. J’ai ensuite été volontaire pour être président et mon envie s’est trouvée en corrélation avec celle de François de passer à autre chose. Il a été présent pour moi dès mon entrée à la Ligue, tout comme d’autres élu-e-s et salarié-e-s comme Marc Lesage qui a pris la succession de Nathalie Arnoux.

Quels sont les projets que vous souhaitez mettre en place à la Ligue 28 ?

Depuis la fin de l’an dernier, les membres du Bureau travaillent, avec le conseil d’administration, sur le nouveau projet politique de la fédération pour y voir plus clair. On voit ce qu’on est, ce qu’on fait et on va déterminer vers quoi on souhaite aller, sur quoi on choisit de concentrer nos forces. On se questionne. Par exemple comment parler de laïcité quand la République est en danger.

Pour cause de crise sanitaire, nous n’avons pas pu avancer comme nous le voulions mais si cela est maintenu, nous avons prévu un séminaire de 2 jours en décembre avec les administrateurs-trices et les salarié-e-s à qui nous exposerons les grandes lignes de ce projet sur lequel nous travaillerons ensemble. A travers leurs actions, les salarié-e-s portent la vision des élu-e-s et défendent les valeurs de la Ligue. C’est important qu’ils-elles soient associé-e-s à ce travail. Je n’imagine pas qu’il en soit autrement. Nous œuvrons tous dans le même but : aller à la rencontre des publics et proposer, partager différents outils. Des outils indispensables pour donner aux futurs citoyens, en construction ou pas, les moyens de penser par eux-mêmes, d’apprendre de l’autre, de s’ouvrir sur le monde, de s’émanciper.

1 Spécialiste des sciences de l’éducation et de la pédagogie, entre autres
2 Ministre de l’Education nationale à l’époque
3  alors Vice-Président de la Ligue de l’enseignement
4  Administrateur de la Ligue en 2016, universitaire